Les 12 secrets du processus de changement

Toute organisation est soumise, à un moment ou un autre, à une démarche de changement.  Pour qu’elle soit fructueuse, il est important de respecter certains principes, sans quoi le risque d’échec, ou à tout le moins d’essoufflement est important.

Nous avons identifié 12 ingrédients à respecter scrupuleusement.

 

1.  Positionnement du changement et de son pilote : servir

Le positionnement du change manager est essentiel et doit être défini avant de démarrer le projet : en quoi consiste le changement à apporter, dans quelle période de temps et avec qui travailler.

Ces trois dimensions sont capitales pour permettre au processus de changement d’être cadré et éviter de sortir de ce qui est attendu.  Ce sont également trois informations que les personnes impliquées directement dans la démarche ont besoin de connaître pour se positionner également.

Définir en quoi consiste le changement, c’est préciser les raisons d’entamer la démarche mais aussi la raison de son lancement.  C’est également clarifier l’objectif final escompté.  Enfin, c’est définir ce qui ne sera pas couvert par la démarche.  Etre clair sur ce point est capital pour éviter les fausses attentes, les déceptions et en final, une démotivation assurée.

Le timing du processus de changement est également essentiel.  Une démarche dont on ne connaît pas la fin est vouée à l’échec car elle va s’essouffler à la longue.  Or, il s’agit, au démarrage, d’une course de demi-fond avant d’être un marathon.  Il sera par conséquent plus efficace d’avoir une succession de projets bien délimités.

La personnalité du change manager est essentielle.  Il/Elle doit être, avant tout, au service de l’équipe.  Son rôle est éphémère.  Rendre ce positionnement explicite lui confère une force d’action incroyable dans la mesure où il/elle n’est là que pour atteindre l’objectif commun.  Ensuite, viennent des qualités clés d’écoute, d’observation, d’enthousiasme, de bon sens, de questionnement, d’adaptation et de conviction : des dimensions humaines plus que techniques.  Enfin, parmi celles qui sont le plus efficaces, on notera une capacité d’adaptation tout en ayant un marquage de territoire clair, la bienveillance et le leadership.

 

2.  Terrain, terrain, terrain

Il n’y a pas de sens de faire appel à un change manager s’il n’est pas dans l’arène.  C’est en étant présent avec les gens sur le terrain que le changement pourra s’implémenter car c’est en discutant et en travaillant avec eux que l’on peut faire prendre conscience de la nécessité de changer. C’est en travaillant des situations concrètes que le gestionnaire du changement  pourra démontrer sa crédibilité et construire la confiance. C’est en traitant des problèmes concrets qu’on peut les résoudre.  C’est en accompagnant qu’on peut soutenir, rassurer et faire que les choses se passent. C’est en soutenant que l’on peut ajuster et mesurer les résultats.

Le changement ne se décrète donc pas.  Il ne s’impose pas.  Il ne se communique pas.  Il se vit tout simplement.  La force de l’exemple est, à ce titre, fondamental.

 

3.  S’intéresser aux gens, à la culture et à l’historique

Le processus de changement est avant tout humain.  Il est important de rendre les choses explicites, de ritualiser les relations et les modes de fonctionnement pour sortir du mode survie dans lequel les équipes se trouvent en général et construire un pacte d’action autour de l’objectif.

C’est la raison pour laquelle la compréhension de la culture du groupe et de l’historique est nécessaire. Un groupe qui a vécu avec un manager ayant une positionnement fort, autoritaire, à la limite du fonctionnement dictatorial nécessitera une approche et un support totalement différent d’un groupe ayant vécu, à l’opposé, un management laxiste, fuyant, caractérisé par un manque de prise de décisions.

S’intéresser aux gens, c’est également identifier le potentiel de chacun, sa volonté d’implication, les qualités intrinsèques et l’expérience sur lesquels fonder le développement des améliorations.

Enfin, s’intéresser aux gens s’est également identifier ses alliés et ses détracteurs, ceux qui constitueront le ventre mou de l’équipe, ceux qui sont dans la confrontation et ceux qui sont dans l’attaque et/ou dans la fuite.  Cette compréhension permettra de construire sa stratégie d’action et de communication.  Mais attention, une analyse fine est nécessaire : celui qui s’exprime le plus fort n’est pas forcément un ennemi.  Il s’agit peut-être simplement de quelqu’un de positif qui n’a pas eu la possibilité de s’exprimer.

 

4.  Des premiers résultats rapides et visibles : “make it happen”

Il est important d’identifier des actions permettant d’obtenir des résultats rapidement, même modestes, mais visibles.  Ce sont eux qui permettront de rassurer ceux qui ont besoin de l’être, de convaincre les sceptiques et d’encourager ceux qui sont moteurs de poursuivre l’aventure.  Les premiers succès sont également importants pour rassurer … le management de l’organisation du bien-fondé de la décision prise de lancer la démarche.

Ces premiers résultats s’inscrivent dans une démarche globale d’analyse de l’existant.  Mais il n’est certainement pas nécessaire d’avoir terminé le diagnostic pour se lancer dans l’aventure.  Pour être franc, le change manager fonctionnera selon un mode opportuniste : c’est l’occasion qui fera le larron.  La seule chose importante à ce stade est de rester à l’affut de la bonne occasion.  On identifie quelque chose, on teste.  Cà marche ?  Tant mieux !  Cà loupe ?  Ce n’est pas grave, on continue.  A un moment, on trouvera quelque chose.  La particularité des change managers expérimentés, c’est qu’ils suivent leur flair et trouvent plus rapidement que les autres les « quick wins ».

 

5.  Avant un plan plus global

Les premiers résultats ne sont rien sans un plan plus global et une action de fond.  Le changement structurel doit être organisé, priorisés pour garantir la pérennité des améliorations.  Du temps doit être prévu pour se poser, réfléchir, développer, mettre en œuvre, soutenir, mesurer, ajuster.

Dans ce plan global, on privilégiera les améliorations itératives pour générer une dynamique positive et l’envie de poursuivre la démarche.  La définition du plan global contribue également à la structuration de la communication.

 

6.  Basé sur une analyse visuelle et simple

L’analyse de l’existant est fondamentale.  Elle doit être précise et ciblée.  Les résultats ne doivent pas forcément être regroupés dans un rapport volumineux mais davantage de manière visuelle et accessible : descriptions de processus, résultats de tableaux d’analyse en groupe, papier brun, etc.

Ce qui est important, c’est de montrer les conclusions de manière simple, visuelle et percutante. Les conclusions doivent parler d’elles-mêmes, interpeller et inviter à l’action.

 

7.  Impliquer, impliquer, impliquer et … accompagner

L’implication est le maître-mot permettant d’atteindre le succès.  Entendons-nous : il ne s’agit pas de consulter.  C’est bien d’implication dont il s’agit.  Consulter consiste à prendre l’avis et d’en faire ce qu’on veut ensuite.  Impliquer, c’est rendre les personnes concernées à la manœuvre de l’action.

La différence dépasse la nuance.  Elle est fondamentale.  Consulter peut s’avérer dangereux car créatrice de frustrations.  En tant que consultant, je vous dirai facilement ce que vous devez faire.  Si vous me demandez de mettre en œuvre ma recommandation, je me rendrai peut-être compte que j’aurais mieux fait de me taire.

Dans ce contexte d’implication, le rôle du change manager est délicat.  Il doit être leader sans imposer.  Il doit susciter, soutenir, accompagner de manière forte tout en restant à une légère distance de l’action pour valoriser et non étouffer.  Il doit être également en avance de l’action pour préparer la suite.

 

8.  Se mettre en second plan tout en étant fortement présent

Pourquoi ce mode de fonctionnement ?

Simplement parce que le change manager doit s’assurer que les acteurs de terrain vont s’approprier les développements et poursuivre la démarche par la suite.  Si le change manager prenait le leadership de l’action de manière trop forte, il serait en porte-à-faux avec son objectif d’appropriation du changement (pour plus d’information : Les trois phases du mécanisme d’apprentissage) par les acteurs de terrain et le fait que sa mission a une durée limitée dans le temps.  Il y aurait un risque élevé de se trouver dans un mode de fonctionnement : “je vais vous dire ce qu’il faut et comment le faire”.  Pour ceux qui n’ont pas envie de s’engager, c’est facile : on attend que l’orage passe avant de reprendre les bonnes habitudes. Pour ceux qui veulent s’investir, ils seront dans une frustration de ne pas pouvoir s’exprimer.

 

9.  Mettre en œuvre par étapes

Plus haut, je faisais allusion à une démarche interactive.  En effet, il est plus efficace d’implémenter une solution imparfaite, qui peut s’améliorer qu’attendre la solution parfaite pour plusieurs raisons :

  • La solution parfaite n’existe pas. La chercher revient à ne jamais mettre en œuvre d’amélioration.  Evidemment, il faut que la solution imparfaite tienne la route pour éviter de vivre le dicton « faire et défaire, c’est toujours travailler ».
  • Améliorer une solution permet d’accélérer le processus d’appropriation, pour autant que les personnes soient impliquées dans l’amélioration. Rien de pire donc que se retrouver dans une configuration des “penseux” et des “faiseux” comme disent les Canadiens.
  • La mise en mouvement favorise la progression, l’amélioration, la mesure des résultats.

 

10.  Mesurer les résultats (identifié, réalisé)

En qualité, il y a un dicton qui dit : ce qui ne se mesure, pas n’existe pas !  Il existe plusieurs manières de mesurer les choses : indicateurs suivis de manière régulière, analyse spécifiques, observations, etc.

Quelle que soit la démarche utilisée pour mesurer, deux éléments doivent être évalués : ce qu’on identifie comme améliorations et ce qu’on réalise effectivement.

La mesure rend les problèmes et les améliorations très explicites pour n’importe qui (dont les financiers en particulier …).

Trois dimensions peuvent être mesurées : le respect des exigences, le temps passé ou le coût engendré, le respect du délai.  En corolaire, on peut mesurer les plaintes reçues, le retravail (le fait de refaire le même travail ou la même activité).

 

11.  Dire ce qu’on fait et faire ce qu’on dit

Si la communication est importante durant un processus de changement, un aspect est fondamental pour avoir une vision claire de ce qui va se passer : dire ce qu’on va faire. Cela peut sembler une évidence mais il n’est pas toujours facile de définir ce qui doit être fait, tant la situation est complexe.  Se forcer à clarifier son plan d’attaque est nécessaire pour que les personnes impliquées dans le processus soient rassurées.  Si le plan d’actions est clair, les chances d’arriver à un résultat augmentent.

Pour que la dynamique de changement prenne, il faut également que le change manager fasse ce à quoi il s’est engagé.  Nombreux sont ceux qui communiquent bien ce qui est à mener, mais sont plus discrets sur ce qui a été réalisé.  Or, cette cohérence entre les deux renforce le positionnement du change manager comme une réelle ressource crédible auprès des équipes et renforce leur volonté de s’impliquer dans la démarche.  Car il faut être clair, les personnes concernées par le changement vont adopter une posture d’observation (voire de rejet) avant de s’engager dans la démarche.

Une attitude efficace pour le change manager est d’être lent à promettre mais rapide à livrer.

 

12.  Le faire avec passion

C’est là que le change manager donne son plein rayonnement et transmet son dynamisme aux équipes. Son enthousiasme, sa bienveillance, sa neutralité et son professionalisme vont constituer un réel catalyseur auprès des équipes qui, au fur et à mesure de l’avancement du projet, vont prendre confiance en elles et augmenter leur implication dans la démarche. C’est aussi l’élément qui conduit à ce que le change manager doive se retirer du projet pour laisser la place aux autres.

 

Et la communication dans tout cela ?

Nombreux sont ceux qui pensent qu’un plan de communication doit être élaboré pour garder les personnes informées du processus en cours.  Si la communication est importante, elle ne nécessite pas forcément un plan en tant que tel.  Si les actions entreprises ont été planifiées correctement, que les personnes concernées par le changement sont impliquées dans la démarche et que le change manager est sur le terrain “avec les troupes”, la communication se fera de manière naturelle.  Il est évidemment important de montrer les résultats atteints même – surtout – s’ils sont partiels pour rassurer.  Mais elle sera surtout visible par les actions entreprises et les résultats vécus. Elle sera également plus naturelle et spontanée sans pour autant être désorganisée.  Bref, elle sera crédible !

 

Une dernière chose encore …

Le rôle de la Direction Générale dans la démarche est clé.  Pas tant dans l’action que dans le support et l’engagement correct des moyens octroyés à la mise en œuvre de la démarche.  L’arrêter trop tôt est aussi néfaste que la prolonger inutilement.  Si elle considère le processus comme un coût plutôt que comme un investissement (les améliorations chiffrées de manière financière devrait la convaincre du retour sur investissement), il vaut mieux laisser la situation initiale inchangée car le projet sera comme le soufflé sorti du four. Rapidement, il s’effondre créant plus de frustration et de désengagement de la part des équipes en place.

Le change manager est finalement comme le médicament effervescent : au départ, il est visible, il se fond dans l’équipe pour finalement soulager durablement.

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