Seulement 13 % de collaborateurs réellement impliqués

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Si la plupart des chefs d’entreprise reconnaissent que pour acquérir de nouveaux clients, leur organisation doit d’abord conquérir le cœur et l’esprit de leurs collaborateurs, une enquête menée dans plus de 140 pays par l’institut international de sondage Gallup révèle que seulement 11 % des travailleurs sont réellement impliqués.  Notre enquête sur la productivité en Belgique indique que seulement une organisation sur 6 est considérée comme efficace par les personnes interrogées.  Pas surprenant que le niveau d’engagement soit aussi bas alors.  Mais que faire pour inverser la tendance ?

Dans son enquête, Gallup identifie trois types de collaborateurs : les engagés, les non-engagés et les activement désengagés.  Les engagés sont ceux qui sont considérés comme motivés dans le jargon commun.  Lorsqu’ils ont quittés l’entreprise le soir, ces collaborateurs y sont déjà de retour et plein d’énergie.  La deuxième catégorie est celle des non-engagés.  A l’inverse du premier groupe, à peine arrivés au travail, ces travailleurs pensent à ce qu’ils feront une fois partis.  Ils trainent les pieds et ne réalisent que ce qu’on leur demande ; leur travail est juste alimentaire.  Enfin, la troisième catégorie est celle des activement désengagés : elle est constituée des personnes qui cherchent à nuire au fonctionnement de l’entreprise et perturbent leurs collègues en les enrôlant dans leur dynamique négative et destructive. 

De manière générale, la répartition des travailleurs selon ces trois catégories est la suivante :

Gallup

Un tel constat ne peut conduire les patrons qu’à leur propre démotivation et à un manque de confiance dans le futur.  Pourtant, le mode de fonctionnement de leur organisation n’est pas étranger à cette situation.  Ils ont donc la possibilité d’inverser la tendance.  Il est en effet possible de développer les ingrédients qui permettent à la motivation de se développer dans l’entreprise.

Fondés sur les recherches de Edward Deci et Richard Ryan de l’Université de Rochester (USA), pères de la théorie de l’auto-détermination, ces nutriments – comme les deux chercheurs les appellent – sont au nombre de trois : l’appartenance, la compétence et l’autonomie.  Ces trois ingrédients doivent obligatoirement être présents dans l’entreprise pour que la motivation se développe et s’ancre dans l’organisation.  Si l’un d’eux fait défaut, rien ne se passera.

La contribution de collaborateurs engagés aux résultats de l’entreprise est, d’après l’enquête Gallup, considérable.  En comparant les organisations engagées à celles qui sont activement désengagées, Gallup a mesuré la progression des indicateurs clés de performance.  C’est ainsi que les organisations engagées ont :

  • 65 % de rotation du personnel en moins
  • 41 % de défauts qualité en moins
  • 37 % d’absentéisme en moins
  • une productivité plus élevée de 21 %
  • une profitabilité supérieure de 22 %

L’institut de sondage va même très loin dans sa conclusion.  Selon ses chercheurs, “l’engagement des collaborateurs est un indicateur de prévision de la performance organisationnelle“.

Mais alors, comment développer ces fameux nutriments indispensables à la motivation des collaborateurs ?

Nous vous proposons quelques pistes basées sur l’observation d’entreprises qui les ont implémentés avec succès.

L’appartenance

Les organisations qui ont créé un taux d’appartenance élevé ont clairement précisé le “Pourquoi” de leur action (pour plus de détail, je vous invite à lire l’article que nous avons consacré à cette dimension).  Ce “Pourquoi” va servir de liant entre tous les acteurs de l’entreprise et leur permettra de se développer car ils vont créer des interactions positives entre eux.

En lien avec le “Pourquoi”, on trouve les valeurs d’entreprise qui doivent être partagées et vécues.  Le partage signifie que les valeurs sont construites en commun, discutées, ajustées.  Vécue signifie que dans les faits, à tous les niveaux de l’organisation – du sommet à la base -, elles sont mises en pratiques, de manière visible.  Pour être vécues, les valeurs doivent être régulièrement discutées, car comme un pacte, il est important de les confirmer périodiquement.

Une entreprise très connue avait  défini comme valeurs : « Intégrité, Communication, Respect et Excellence ».  Magnifique, n’est-ce pas ?  Avez-vous reconnu l’entreprise ? 

Il s’agit d’ENRON, l’entreprise américaine qui a fait faillite en 2001 suite à des spéculations douteuses et dont les dirigeants se sont retrouvés en prison pour fraude.  On est loin de l’intégrité, de la communication, du respect et de l’excellence !  Il s’agissait de valeurs “marketing” mais pas de celles qui étaient vécues dans les faits par ses dirigeants.  Or, c’est le contraire qui doit se réaliser : ce sont elles qui doivent souder tous les acteurs de l’entreprise dans l’action. 

Les dirigeants les feront vivre par l’exemple qu’ils donneront.  Ainsi, une valeur comme la discrétion ne sera jamais vécue si le dirigeant a comme voiture de fonction une Porsche.

La Direction de l’entreprise doit par conséquent être avant tout garante de ces valeurs, avant même la définition de la stratégie de l’entreprise.  Car c’est autour de ces valeurs que l’entreprise va engager, développer et promouvoir le personnel.  C’est donc en lien avec les valeurs de l’entreprise que l’ensemble de l’équipe de management va servir l’entreprise et ses collaborateurs.

Un management soudé et au service de l’entreprise est une dimension capitale.  Jim Collins, chercheur américain sur la performance des entreprises, met en avant deux dimensions particulières : la personnalité du leader au service de l’ensemble de l’entreprise et la constitution d’une équipe soudée.  Son raisonnement est simple.  Une chose est certaine : la stratégie de l’entreprise évoluera durant sa mise en place.  Il est donc plus important d’avoir une équipe qui s’entende, a du plaisir à travailler ensemble et est complémentaire (centrée sur le “Pourquoi”) plutôt que d’avoir des collaborateurs spécialisés dans l’exécution de la stratégie de l’entreprise (centrés sur le “Quoi”).  Il pose une question pleine de bon sens : que font les entreprises qui se sont focalisées sur l’expertise au service de la stratégie dès lors que la stratégie  change ?  Réponse : elles virent ses experts pour en engager de nouveaux en phase avec la nouvelle stratégie !  Dans le cas de l’équipe soudée, Collins constate une chose : les équipes s’adaptent à la nouvelle stratégie car le plaisir de travailler ensemble et l’attachement aux valeurs communes demeurent intacts.

L’exercice des valeurs doit se faire à tous les niveaux de l’entreprise, même à celui d’un service ou d’un département.  Les questions à se poser sont les suivantes : Que veulent dire les valeurs de l’entreprise dans notre domaine/service ?  Comment comptons-nous y contribuer ?  Comment se mettent-elles en place au quotidien dans notre équipe ?

La compétence

Tout individu normalement constitué (et j’inclus les 61 % de non engagés de Gallup) souhaite réaliser son travail correctement.  Si l’organisation est en phase avec le premier nutriment (l’appartenance), alors elle considère que, comme dans le Kaizen, c’est celui qui fait qui sait.  Elle va permettre à ceux qui savent d’en savoir plus et d’exprimer leur créativité.  Les deux groupes d’acteurs de l’entreprise (c’est-à-dire les managers qui pensent et les ouvriers et employés qui réalisent) ne constituent plus qu’un groupe : celui de ceux qui font et pensent en même temps.

L’entreprise doit donc disposer de mécanismes permettant à ses collaborateurs de se développer dans tous les domaines (techniques, relationnels, comportementaux, etc.)

Le développement des compétences se fait de différentes manières. La formation est certainement le moyen le plus naturel mais pas le seul.  L’échange d’expériences, le compagnonnage, la mise en situation, la participation à des projets, la résolution de problèmes, la recherche d’améliorations et la visite d’autres services ou de clients en sont d’autres.

Un outil simple pour faire l’inventaire des compétences et les développer est celui de la matrice de polyvalence que nous expliquons dans l’article que nous lui avons consacré.

L’autonomie

Elle se développe sur et se renforce grâce aux deux autres dimensions tout en les alimentant à son tour.  Malgré le fait qu’elle est source de développement et de créativité, rares sont les entreprises qui parviennent à promouvoir réellement l’autonomie de leurs collaborateurs.  Or, au quotidien, c’est à travers la délégation – et donc la confiance – que cette autonomie a le plus de chance de se développer.

La raison de cet échec se situe à deux niveaux : d’abord, les objectifs – le pourquoi – sont mal formulés.  Il est alors impossible d’entreprendre des actions concrètes pour les atteindre.  Ensuite, la plupart des managers sont dans le Quoi.  En d’autres termes, lorsqu’ils délèguent, ils se focalisent sur ce qu’il faut faire pour atteindre l’objectif.  Agissant ainsi, ils dépossèdent leur collaborateur de la possibilité de faire preuve de créativité et d’autonomie.   Freud dirait qu’ils castrent leurs collaborateurs.

Dans les formations en people management que je donne, je réalise un exercice de délégation sur base d’une mise en situation.  Je “joue” le rôle du collaborateur et réagit en miroir du comportement du manager.  Le résultat est impressionnant : 100 % des managers se positionnent dans une approche « quoi » et non « pourquoi ».  En d’autres termes, même s’ils considéraient que leur collaborateur dispose d’une bonne expérience et d’autonomie, les managers définissent en détail ce qu’il doit réaliser et ne lui demandent pas son avis le faisant passé un peu plus dans le groupe des non-engagés.  Avec un groupe test, j’ai inversé les rôle : j’étais le manager.  En me concentrant sur le “pourquoi” et en focalisant la discussion sur  le “comment”, les personnes jouant le rôle du collaborateur ont exprimé de la surprise d’être reconnues dans ce qu’elles proposaient et l’envie qu’elles avaient de mettre en œuvre les moyens pour atteindre l’objectif.  Constat interpellant et plein d’espoir.

Interpellant car cela démontre une peur des managers de faire confiance à leurs collaborateurs, de les laisser agir et de voir les choses éventuellement se dérouler d’une manière différente de celle qu’ils avaient imaginée.

Espoir par contre car les marges de progression sont impressionnantes.  Les entreprises qui ont libéré leurs collaborateurs en travaillant les nutriments (appartenance, compétence et autonomie) et qui les ont donc conduits sur la voie de l’auto-motivation engrangent des résultats impressionnants comme le démontre l’enquête de Gallup.

Il faut donc développer les nutriments dans l’entreprise et le rôle des managers pour atteindre les sommets de l’efficience.

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